120 vaches à 12 000 kg « Combiner autonomie et productivité élevée »
Ration. Dans le Sud-Ouest, au Gaec Bernichan, l’obtention de hautes performances laitières s’accompagne d’une autonomie alimentaire toujours plus poussée, incluant affouragement en vert, maïs épis et soja fermier.
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Depuis 2015 et la fin des quotas, les associés du Gaec Bernichan ont plus que doublé leur production laitière. Elle s’élève aujourd’hui à 1,35 million de litres. Leur développement des volumes repose sur l’investissement – deux robots de traite DeLaval, agrandissement d’une stabulation sur litière malaxée – et sur la recherche d’une productivité élevée d’un troupeau conduit en zéro pâturage, qui a franchi cette année la barre des 12 000 l de lait produits par vache.
Parallèlement, les éleveurs se sont engagés dans une logique d’autonomie et de réduction de leur empreinte carbone. « Le diagnostic CAP’2ER de niveau 2 nous a fait prendre conscience que le soja importé avait un fort impact sur nos émissions de gaz à effet de serre, explique Thomas Bernichan. Dès lors, la recherche d’autonomie contribue non seulement à adapter nos pratiques aux attentes sociétales, mais aussi à limiter les effets de la volatilité du prix des matières premières, tout en maintenant un haut niveau de production afin de diluer le montant des annuités. »
« Des mélanges suisses pour l’affouragement en vert »
Pour combiner autonomie et productivité, un travail a d’abord été mené sur la qualité des fourrages. Objectif : une ration semi-complète à l’auge qui se rapproche le plus possible de 1 UF/kg de MSI, avec une part croissante d’herbe dans le cadre d’une MAE herbagère contractualisée en 2018. Une herbe affouragée ou ensilée, en raison d’un parcellaire très accidenté et trop morcelé pour garantir au pâturage une bonne fréquentation des robots de traite.
En seulement trois ans, les éleveurs ont semé pas moins de 41 ha de prairies temporaires à partir de mélanges suisses de fauche et de courte durée (trois à quatre ans). Sur cette base, l’investissement dans une remorque autochargeuse permet d’apporter quotidiennement jusqu’à 5 kg de MS d’herbe fraîche/vache de mars à octobre, avec une soudure d’été à l’ensilage d’herbe. « L’affouragement s’est immédiatement traduit par une hausse de l’ingestion, associée à une montée en lait de 2 à 3 litres, souligne Thomas Bernichan. On peut aussi constater visuellement une amélioration de l’état général des animaux. À 310 €/ha de coût de semences, la prairie multi-espèce est un investissement important. Mais ces mélanges se révèlent plus souples à exploiter que les RGI – dont la montée à épis est soudaine – et aussi plus résistants : dans le contexte très séchant de 2020, ils ont permis d’affourager jusqu’au 1er août, avec des pics à 38-39 litres par vache et par jour. »
L’appétence de l’herbe fraîche contribue en effet à maintenir une fréquentation de 2,7 traites/vache/jour via une porte de tri, qui contraint les vaches à passer par le robot pour pouvoir accéder à l’auge.
« Des variétés de maïs précoces plus digestibles »
À partir de ces prairies multi-espèces, les coupes précoces (dès le 12 avril) ont permis de réaliser cette année quatre coupes d’un ensilage d’herbe dosant 0,95 UFL et 14,5 % de MAT. Le maïs ensilage n’excède pas 8 kg dans la ration hivernale. Les éleveurs privilégient des variétés cornées très précoces pour la région (indices 300) : « Elles sont moins productives, mais plus digestibles que les variétés tardives souvent utilisées localement [NDLR : indices 450-500]. »
L’irrigation assure néanmoins des rendements de 15-16 tMS/ha. Au Gaec, les variétés tardives sont réservées à une récolte en maïs épis humide et en grain. Ensilé à 32 % de MS, le maïs épis représente un apport d’énergie plus concentrée que l’ensilage plante entière. Il intègre la ration à hauteur de 5 kg de MS. Le maïs grain et des céréales autoproduites entrent dans la composition du concentré de production (1,10 UFL). Un aliment formulé à la carte, selon la qualité de la ration de base, dans le cadre d’une prestation de mouture à façon réalisée par Sanders à son usine de Vic-en-Bigorre (Hautes-Pyrénées).
Avec cette alimentation très riche en amidon (> 25 %), l’apport de 4 kg de foin de qualité est nécessaire afin de sécuriser la fibrosité chimique et mécanique. Selon la météo, un conservateur est appliqué sur le foin avant pressage : par pulvérisation directement sur l’andain, afin de réduire le délai entre la fauche et le pressage et aller chercher un fourrage le plus riche possible. À noter également l’apport de 100 g de sucre dans la ration hivernale : du sucre en poudre, associé à de la silice (0,3 %) pour éviter qu’il ne s’agglomère.
« Un correcteur riche en matière grasse renforce la valeur UFL de la ration »
Sur le volet de la correction azotée, les éleveurs ont longtemps misé sur le soja matière première, puis se sont orientés vers du non-OGM. Mais en 2019, face à la hausse des prix, ils ont opté pour une formule élaborée par Sanders : Sandi PMS. Elle intègre 30 à 70 % d’un soja produit localement et trituré à l’usine de Vic-en-Bigorre, ainsi qu’un mélange de matières premières et un complexe d’huiles essentielles dont l’action vise à stimuler la flore ruminale, afin de renforcer l’efficacité protéique (voir infographie). Résultat : un correcteur énergétique (1 UFL) dont la teneur en matière grasse atteint 4,5 %. Le correcteur Sandi PMS, garanti sans OGM, est livré à la ferme au prix de 400 €/t, soit une économie notable en comparaison du prix d’un tourteau de soja non OGM. Il intègre la ration de base à hauteur de 2 kg + 2,2 kg en moyenne distribuée au robot. « La valeur du correcteur contribue à renforcer celle d’UF de la ration de base. C’est aussi un aliment plus gras, plus difficile à gérer. Il s’accompagne d’un gain de 2 à 3 litres de lait, mais nous observons parallèlement un recul du TB. D’où notre réflexion sur la culture de lupin, afin de compléter la ration de base avec une graine crue ou toastée moins riche en matière grasse. »
Au printemps, un premier essai de lupin s’est révélé peu concluant, en raison d’un salissement mal maîtrisé. En revanche, les 12 ha de soja en partie irrigué apportent un premier résultat satisfaisant : 30 q/ha de grains qui seront incorporés dans le correcteur Sanders. « Notre objectif est d’être le plus autonome possible, rappelle Thomas Bernichan. Le coût d’implantation du soja est réduit : environ 500 € de semences pour 10 ha, et 200 € pour la mise en culture, hors irrigation. La récolte est stockée chez Sanders et nous récupérons 80 % du tonnage après trituration. » Dans une logique d’autonomie toujours plus poussée, les éleveurs ont l’objectif de libérer encore une dizaine d’hectares pour développer la culture des protéagineux.
Jérôme PezonPour accéder à l'ensembles nos offres :